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17 octobre 2024, visite de l'abbaye de Bassac avec Silvio Pianezzola
L'abbaye Saint-Étienne de Bassac aurait eu pour fondateurs en 1002 Wardrade Lorichès, comte de la Marche et premier seigneur connu de Jarnac et sa femme Rixendis. Rattachée en 1092 à l'abbaye de Saint-Jean-d'Angély, elle redevient libre en 1246.
Elle avait droit de justice sur Bassac. L'abbaye est pillée durant la guerre de Cent Ans. En 1516, l'abbaye passe sous le régime de la commende. Pendant les guerres de religions, elle est pillée par les Protestants en 1564 puis assiégée et saccagée par les Catholiques au moment de la bataille de Jarnac en 1569. En 1666, l'abbaye est affiliée à la nouvelle congrégation bénédictine de Saint-Maur.
A la Révolution française, les moines peu nombreux sont chassés, les bâtiments vendus comme biens nationaux et l'abbatiale devient l'église paroissiale. On peut lire sur sa façade romane l’inscription : « Le peuple français reconnaît l'être suprême et l'immortalité de l'âme ».
1er et 15 octobre 2024, rencontres avec Katya Catinaud
Katya, technicienne de conservation, en présentant son travail nous a permis de découvrir les réserves du musée et la conservation préventive.
Elle a expliqué ses fonctions, méconnues, au sein des réserves : archivage, conditionnement et marquage, tout ce qui est réalisé en coulisse et qui permet d’exposer au public les objets et œuvres sortis des réserves
Ce travail est une des richesses de notre Musée.
Cette rencontre s'est prolongée avec des travaux pratiques de « marquage muséal » dans le cadre d’un atelier animé par Katya au cabinet de Physique du Lycée Guez de Balzac le 15 octobre 2024.
Les participants ont mis leurs pas dans ceux de Lucien Chardon, le héros du roman de Balzac et futur Lucien de Rubempré qui rêvait de conquérir le grand monde.
Petit aperçu de cette promenade dans les rues d’Angoulême.
Tous les textes en italiques sont tirés des Illusions perdues d’Honoré de Balzac.
Angoulême est une vieille ville, bâtie au sommet d'une roche en pain de sucre qui domine les prairies où se roule la Charente. […] Sa situation en faisait jadis un point stratégique […]; mais sa force d’autrefois constitue sa faiblesse aujourd’hui : en l’empêchant de s’étaler sur la Charente, ses remparts et la pente trop rapide du rocher l’ont condamnée à la plus funeste immobilité.
Vers le temps où cette histoire s’y passa, le Gouvernement essayait de pousser la ville vers le Périgord en bâtissant le long de la colline le palais de la Préfecture, une école de marine, des établissements militaires, en préparant des routes. Mais le Commerce avait pris les devants ailleurs.
La Charente à l’Houmeau – Gaston Boucart (Musée d’Angoulême)
Depuis longtemps le bourg de l’Houmeau s’était agrandi comme une couche de champignons au pied du rocher et sur les bords de la rivière, le long de laquelle passe la grande route de Paris à Bordeaux. Personne n’ignore la célébrité des papeteries d’Angoulême, qui, depuis trois siècles, s’étaient forcément établies sur la Charente et sur ses affluents où elles trouvèrent des chutes d’eau. L’Etat avait fondé à Ruelle sa plus considérable fonderie de canons pour la marine. Le roulage, la poste, les auberges, le charronnage, les entreprises de voitures publiques, toutes les industries qui vivent par la route et par la rivière, se groupèrent au bas d’Angoulême pour éviter les difficultés que présentent ses abords. Naturellement les tanneries, les blanchisseries, tous les commerces aquatiques restèrent à la portée de la Charente ; puis les magasins d’eau-de-vie, les dépôts de toutes les matières premières voiturées par la rivière, enfin tout le transit borda la Charente de ses établissements. Le faubourg de l’Houmeau devint donc une ville industrieuse et riche, une seconde Angoulême que jalousa la ville haute où restèrent le Gouvernement, l’Evêché, la Justice, l’aristocratie. Ainsi, l’Houmeau, malgré son active et croissante puissance, ne fut qu’une annexe d’Angoulême. En haut la Noblesse et le Pouvoir, en bas le Commerce et l’Argent ; deux zones sociales constamment ennemies en tous lieux ; aussi est-il difficile de deviner qui des deux villes hait le plus sa rivale. »
Alcide Gauguié, un journaliste du 19ème, écrivait qu’à cette époque, les gens du Plateau surnommaient les habitants de l’Houmeau les crapauds, puisque vivant près de l’eau. En retour ceux-ci traitaient les habitants d’en haut d’angroises, le lézard en patois, qui paresse au soleil.
De la place du Palet à la place du Murier
Cette place, où se tenait un pilori, servit de lieu de peines et d'exécutions jusqu'à la deuxième moitié du XVIe siècle. De cette place, Lucien suit la rue des Juifs ; la rue des trois Notre-Dame et la rue Taillefer. Il pénètre dans le cœur du plateau fait d'étroites ruelles médiévales qui débouchent sur la place du Mûrier. C’est là, à l'angle de la place (à l’endroit où se trouve l’immeuble de la Poste), qu’est installée l’imprimerie de son ami Séchard qui l'employait. Lucien y compose ses lignes « grappillant ses lettres parmi les 152 cassetins de sa casse ».
Séchard « Vous eussiez dit une truffe monstrueuse enveloppée par les pampres de l’automne. » « Ce Séchard était un ancien compagnon pressier, que dans leur argot typographique les ouvriers chargés d’assembler les lettres appellent un Ours. Le mouvement de va-et-vient, qui ressemble assez à celui d’un ours en cage, par lequel les pressiers se portent de l’encrier à la presse et de la presse à l’encrier, leur a sans doute valu ce sobriquet. En revanche, les Ours ont nommé les compositeurs des Singes, à cause du continuel exercice qu’ils font pour attraper les lettres dans les cent cinquante-deux petites cases où elles sont contenues. »
La Rue du Minage et l’hôtel de madame de Bargeton
« En arrivant dans la rue du Minage, les choses extérieures n’étonnèrent point Lucien. Ce Louvre tant agrandi par ses idées était une maison bâtie en pierre tendre particulière du pays, et dorée par le temps. »
« Ceux qui peuvent s’initier par la pensée à des petitesses qui se retrouvent d’ailleurs dans chaque sphère sociale, doivent comprendre combien l’hôtel de Bargeton était imposant dans la bourgeoisie d’Angoulême. Quant à l’Houmeau, les grandeurs de ce Louvre au petit pied, la gloire de cet hôtel de Rambouillet angoumoisin brillait à une distance solaire. Tous ceux qui s’y rassemblaient étaient les plus pitoyables esprits, les plus mesquines intelligences, les plus pauvres sires à vingt lieues à la ronde. »
C'est dans ce haut lieu de la noblesse et de la haute bourgeoisie angoumoisine que Lucien cherche à pénétrer dans l'espoir d'y faire briller son art poétique. « La plupart des maisons du Haut-Angoulême sont habitées ou par des familles nobles ou par d’antiques familles bourgeoises qui vivent de leurs revenus, et composent une sorte de nation autochtone dans laquelle les étrangers ne sont jamais reçus.
A peine si, après deux cents ans d’habitation, si après une alliance avec l’une des familles primordiales, une famille venue de quelque province voisine se voit adoptée ; aux yeux des indigènes elle semble être arrivée d’hier dans le pays.
Les Préfets, les Receveurs-Généraux, les Administrations qui se sont succédé depuis quarante ans, ont tenté de civiliser ces vieilles familles perchées sur leur roche comme des corbeaux défiants : les familles ont accepté leurs fêtes et leurs dîners ; mais quant à les admettre chez elles, elles s’y sont refusées constamment. Moqueuses, dénigrantes, jalouses, avares, elles se marient entre elles, se forment en bataillon serré pour ne laisser ni sortir ni entrer personne ; les créations du luxe moderne, elles les ignorent. Pour elles, envoyer un enfant à Paris, c’est vouloir le perdre. Cette prudence peint les mœurs et les coutumes arriérées de ces maisons atteintes d’un royalisme inintelligent, entichées de dévotion plutôt que religieuses, qui toutes vivent immobiles comme leur ville et son rocher. »
La traite " négrière" atlantique débute au 15ème siècle, légale jusqu'à la fin du 18ème, elle devient illégale au 19ème. Entre 12 et 15 millions d'Africains ont été déportés. Quatre pays européens ont assuré 90% de l'ensemble de la traite atlantique : le Portugal, l'Angleterre, l'Espagne et la France.
Au cours du 18ème, Bordeaux est le 2ème port pour le commerce triangulaire après Nantes. 400 à 500 expéditions sont montées au départ de Bordeaux.
A la veille de la Révolution, Bordeaux est le premier port colonial français avec l’envoi de deux fois plus de navires que Nantes ou Marseille, s’accaparant ainsi près de la moitié du commerce en droiture (95%), qui s’effectue directement entre la France et ses colonies, sans passer par l’Afrique, ne participant ainsi pas à la Traite négrière.
La ville Bordeaux s’enrichit donc des denrées produites par les personnes réduites en esclavage dans les Antilles et surtout à Saint-Domingue qui représente alors 75% du commerce colonial en droiture à Bordeaux. De nombreux planteurs possédant des esclaves sont bordelais.
1ère étape : l’emprisonnement, le fort du Hâ : C’est l’ancienne forteresse de Bordeaux, à son emplacement ont été érigés le palais de justice et l'École nationale de la magistrature. C’est de là que le parcours démarre.
Bordeaux comptait au 18ème siècle 4 à 5 000 habitants noirs. L’esclavage était interdit en France, ce qui n’empêchait pas bourgeois ou aristocrates bordelais de disposer d’esclaves. Le portrait présumé de la comtesse de Fontenelle (ci-contre) conservé au Musée d'Aquitaine en témoigne. Pour ceux qui cherchaient à se libérer, la police des Noirs se chargeait de les pourchasser et les emprisonnés au fort du Hâ. Devant les derniers vestiges du fort se trouve le «Parvis des Droits de L’Homme », la Déclaration des Droits de l’Homme y est apposée.
2ème étape : le voyage à fond de cale (rue Arnaud Miqueu) : Les religieux du couvent de la Merci négociaient le rachat de la liberté des esclaves blancs et chrétiens. Cette étape fut l’occasion d’évoquer le commerce triangulaire et les conditions de vie sur les bateaux de traite. Le cinéma Utopia, au 18ème siècle, était une école de moussaillons.
3ème étape : la résistance (rue Saige) : Saige fut maire de Bordeaux de 1790 à 1793. Il appartenait à une famille enrichie par la traite négrière. Cet arrêt fut l’occasion de s’interroger sur le « devoir de mémoire », faut-il débaptiser les rues ou compléter les plaques en apportant les explications indispensables ?
4ème étape : les plantations (place de la Bourse) : Crée au milieu du 18ème siècle, cette place est le symbole de la richesse de la ville à l’époque. Elle constituait un point central du Bordeaux maritime d'où s’opérait des contrôles des entrées et des sorties de marchandises. Les armateurs enrichis par le commerce en droiture et le commerce triangulaire participèrent à la décoration de cette place notamment au travers de mascarons. Ces mascarons reflètent parfaitement cette situation avec la reproduction de visages africains en référence à la traite négrière.
5ème étape : le métissage (Grand Théâtre) : Le Grand Théâtre est un des trésors de la ville. Cette imposante construction du 18ème siècle a été possible par la richesse générée par l’activité commerciale de la ville. Au 18ème siècle l’esclave mariée à son maître était automatiquement affranchie, tout comme les enfants métis issus de cette union. Les affranchis et les métis libres avaient le droit de posséder des terres et des esclaves. Le métissage culturel a permis la naissance de grands mouvements artistiques et musicaux.
6ème étape : la liberté, Haïti, Toussaint Louverture, Modeste Testas : En 1791, à Saint-Domingue, dans la colonie française la plus riche, les esclaves se soulèvent et abolissent l’esclavage. Le 16 pluviôse An II (4 février 1794) La Convention adopte le décret d'abolition de l’esclavage. Toussaint Louverture rejoint alors le camp républicain. Cet ancien esclave affranchi devint, en 1793, le premier général noir de l’armée française. En 1802, Bonaparte envoie une expédition militaire pour écraser les opposants au rétablissement de l’esclavage qu’il a décrété. La même année, Toussaint Louverture est emprisonné au Château de Joux, dans le Doubs. Il y meurt le 7 avril 1803. En 1804, après une guerre de libération, la première qui arrive à ses fins, l’indépendance de l'île est proclamée. Elle devient Haïti. En 1825, la France impose à son ancienne colonie de payer à prix d’or sa nouvelle indépendance pour compenser les pertes causées aux propriétés des colons par les révoltes des esclaves et l'indépendance d'Haïti. Le montant de l'indemnité, qui s'élève initialement à 150 millions de francs or (Charles X) soit plus de 100 milliards d'euros, est réduit à 90 millions en 1838 (Louis-Philippe). Si celui-ci est soldé en 1883, Haïti continue de rembourser les emprunts et intérêts auprès des banques françaises et américaines jusqu'en 1952. L’économie de l’île ne s’en est jamais relevée. Le 27 avril 1848 l’esclavage est aboli par la France.
La statue de Modeste Testas réalisée par Woodly Caymitte dit Filipo, artiste haïtien : Al Pouessi fut achetée par des négociants bordelais, les frères Testas. L’un dirigeait la sucrerie à Saint-Domingue et l’autre, gérait à Bordeaux la vente du sucre et du coton. Agée de 16 ans, elle fut baptisée Marthe Adélaïde Modeste Testas du nom de la maison à laquelle elle est attachée. Elle fut à la fois l’esclave et la concubine de François Testas. Avant de mourir celui-ci consigna dans son testament la volonté d’affranchir les esclaves qu’il avait emmenés avec lui à Philadelphie et le 13 juillet 1795, en application du testament, Modeste Testas devint libre. De 1888 à 1889, son petit-fils, François Denys Légitime, fut président de la République d’Haïti.
Pour achever la visite, Karfa Diallo a récité un extrait de « Minerai noir » du poète haïtien, René Dépestre.
« Quand la sueur de l’Indien se trouva brusquement tarie par le soleil.
Quand la frénésie de l’or draina au marché la dernière goutte de sang indien
De sorte qu’il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d’or
On se tourna vers le fleuve musculaire de l’Afrique
Pour assurer la relève du désespoir
Alors commença la ruée vers l’inépuisable
Trésorerie de la chair noire
Alors commença la bousculade échevelée
Vers le rayonnant midi du corps noir
Et toute la terre retentit du vacarme des pioches »
Références bibliographiques : Humeur noire, Anne-Marie Garat, Actes Sud / Bordeaux port négrier 17ème – 19ème siècles, édition Karthala / Les passagers du vent (tomes 1 à 5), François Bourgeon, Delcourt
Bordeaux colonial, 1850-1940, un article de Christelle Lozère (à télécharger)