Le Protestantisme dans les Charentes
Marie-Reine Bernard, après avoir rappelé les causes de la Réforme, a présenté ses grandes figures, son implantation dans les Charentes et a abordé des questions contemporaines.
1) Les Réformateurs :
Elle a évoqué, Jan Hus, réformateur de Bohême du 14ème siècle, Lefèvre d’Etaples et le Cénacle de Meaux. Elle a souligné l’engagement de Marguerite de Navarre et son rôle de protectrice joué dans son château de Nérac qui fut un foyer de l’Humanisme et un refuge pour les persécutés (Calvin, Marot, Lefebvre d’Etaples). Marguerite de Navarre avait auprès d‘elle le poète Clément Marot. Il mît les psaumes en vers et en rimes pour faciliter leur mémorisation et les organisa en strophes afin qu’ils puissent être chantés. Ils deviendront le chant de ralliement des Huguenots.
Martin Luther (1483 - 1546), l'initiateur de la Réforme
Il rédige les 95 thèses où il dénonce les scandales de l'Église. Il les placarde le 31 octobre 1517 sur la porte de l’église du château de Wittenberg. Outre une violente critique des indulgences, contre lesquelles d’autres s’étaient déjà élevés, Luther refuse la théologie des œuvres : « le pécheur n’est pas pardonné en raison de ses œuvres ». Il fonde sa théologie sur la Bible et non sur les dogmes. Il pose ainsi les bases du protestantisme. Ses écrits et sa traduction de la Bible illustrée par Cranach l’Ancien, sont, grâce à l’imprimerie, largement diffusés dans toute l’Europe. Le luthéranisme progresse fortement en Allemagne, en Suède, au Danemark, en Norvège, aux Pays-Bas, en Suisse, en Angleterre, en Ecosse, en Espagne, en Italie, en Bohême, en Hongrie et en Autriche. Sous son influence la célébration du culte se transforme (prédication en allemand, chant des cantiques, communion sous les deux espèces : pain et vin, abandon du culte de la Vierge, des saints ou des morts). Excommunié, il se résigne à la rupture définitive avec l’Eglise catholique.
Jehan Cauvin, dit Calvin (1509-1564), le regain d’une Réforme qui s’essouffle
Il étudie à l’Université de Bourges, placée sous le patronage de Marguerite de Navarre, et commence à s’afficher protestant en 1533. Cette même année, après un discours luthérien, il quitte Paris. Il se convertit au Protestantisme à Angoulême où il a trouvé refuge chez son ami Louis du Thillet, chanoine de la cathédrale et archidiacre. Il prêche la Réforme à Claix. Il séduit les clercs et les nobles, la comtesse de la Rochefoucauld et le prieur de Bouteville. En 1534, il rompt définitivement avec l’Église catholique. En 1535, il fuit à Bâle avec Louis du Thillet. La même année, il publie « L’Institution de la Religion chrétienne ». Ce livre fait de lui le deuxième patriarche de la Réforme et son Grand architecte. Sa doctrine repose sur les principes suivants : le pasteur n’est que le délégué des fidèles et partage avec eux le sacerdoce universel, les Ecritures sont le seul message divin, le baptême des enfants et la Cène sont les sacrements qui confirment que Dieu a donné la foi.
2) Les Charentes, terres de prédilection :
Les années 1555 à 1560 voit l’« explosion » du protestantisme en France. Des communautés protestantes fleurissent en Charente : Cognac, Jarnac, Verteuil, La Rochefoucauld, Barbezieux, Aubeterre …
Bernard Palissy, (1510 – 1590) est une des figures majeures de l’implantation du protestantisme à Saintes. Il va être très actif. Homme de la Renaissance, peintre –verrier, arpenteur géomètre, savant et philosophe, artiste émailleur de génie, il s’établit à Saintes en 1539. Fervent disciple de la Réforme, il se convertit en 1546. Il rejoint le cercle d’un savant vulgarisateur, Philibert Hamelin, et anime un cercle dans son atelier. La carrière de Palissy, aussi auréolée de succès qu’elle puisse être, est marquée par de nombreux emprisonnements. A la suite de son engagement protestant, il tombe aux mains de la Ligue. Il est emprisonné à la Bastille pour refus d’abjurer. C’est là qu’il meurt en 1590. Son cadavre est jeté aux chiens.
Pourquoi la Saintonge ?
Cette région éloignée et retirée offre aux prêtres, qui refusent la Confession de foi imposée par l’Eglise, de s’y réfugier. Conservant leurs habits sacerdotaux pour écarter les soupçons ils prêchent généralement dans les églises et parlent du Nouveau Testament en français. Oléron, Brouage, Marennes, la Tremblade, d’où part le sel vers toute l’Europe du Nord sont des pépinières de matelots protestants.
Une contrée ravagée par un demi-siècle de guerre civile
François de Guise, chef de guerre des Catholiques fait massacrer le 1er mars 1562 des réformés qui prient dans une grange, dans les murs de Wassy, ses terres de Champagne. A la suite de ce massacre, les Réformés prennent les armes.
Angoulême est attaquée en 1562 et en 1568. Les abbayes de St-Ausone et St-Cybard sont détruites. La première attaque de la cathédrale le 15 mai 1562 est destinée à venger le massacre de Wassy. Le 14 mars 1569, la bataille de Jarnac marque la mort du Prince de Condé et la défaite protestante.
Le 13 avril 1598, Henri IV signe l’édit de Nantes
Il met ainsi fin à un demi-siècle de guerre civile et à huit guerres de religion. Il s’ensuit une période de paix. Les protestants disposent de « privilèges », notamment de 150 places de sûreté comme La Rochelle, Royan et Cognac. Outre la sécurité des Protestants, elles apportent également une protection au royaume de France contre une éventuelle invasion du Sud-ouest par les Espagnols qui soutiennent les catholiques français. Les protestants obtiennent également l’autorisation de tenir des assemblées politiques.
Le 14 mai 1610, François Ravaillac, un ligueur, assassine Henri IV.
Louis XIII et Richelieu, contre les bastions protestants
Les cités-places fortes de sureté, comme La Rochelle, forment pour Richelieu « un état dans l’état ». Il s'emploie également à rétablir le catholicisme comme religion officielle. En mai 1621, La Rochelle tente de se proclamer « Nouvelle République de La Rochelle ». Le siège de La Rochelle, ordonné par Louis XIII et commandé par le cardinal de Richelieu, commence le 10 septembre 1627 et se termine par la capitulation de la cité protestante, le 28 octobre 1628.
En 1622, l'armée royale campe devant Royan jusqu’à ce que l’assaut soit donné. Le 11 mai 1622, les troupes de Louis XIII entre dans Royan. En 1631, la ville est rasée sur l'ordre de Richelieu.
La violence de l’absolutisme royal et la révocation de l’Edit de Nantes
En 1681, la première dragonnade est expérimentée en Poitou à l’initiative de l’intendant René de Marillac. Louvois lui ayant envoyé un régiment de cavalerie pour ses quartiers d’hiver, Marillac les loge principalement chez les réformés en leur permettant de piller et de ruiner leurs hôtes. Si l’hôte protestant s’obstine à ne pas se convertir, lui et sa famille subissent les exactions des troupes royales. En quelques mois, les curés enregistrent 38 000 conversions. La région Poitou est ruinée, les habitants s’enfuient vers l’Angleterre, la Hollande. La nouvelle suscite l’indignation de l’Europe protestante. Les soldats sont rappelés et Marillac est déplacé.
Le 18 octobre 1685, Louis XIV révoque l’Edit de Nantes. Il interdit tout exercice de la religion protestante et toute émigration des protestants. Il s’ensuit des départs clandestins vers des pays de refuge et des conversions, là encore pas toujours sincères.
3) Foi protestante et questions d’aujourd’hui :
Les crimes sexuels envers les enfants : Les questionnements de Jean-Gustave Hentz, président de la Commission Éthique et société de la Fédération protestante de France, co-auteur de « Les violences sexuelles et spirituelles dans le protestantisme - Constats, analyses et recommandations ».
L’implication forte d’une aile conservatrice dans le monde politique au nom d’une guerre spirituelle : Elle s’est notamment illustrée dans le vote en faveur de Donald Trump.
Bibliographie